dimanche 4 octobre 2020

L'autodétermination de la Catalogne est-elle en accord avec le droit international?

Pour répondre à cette question, il est bon de d'abord rappeler les éléments constitutifs d'un État. Comme nous l'avons déjà vu, les États se composent d'un territoire: terrestre, aérien et dans certain cas maritime, d'une population composée d'étranger et de nationaux et d'un gouvernement contrôlant le territoire. Comme nous l'avons vu dans les lectures, pour le gouvernement, la norme semble évoluer afin de mettre de l'avant le caractère démocratique du gouvernement. 
 
À la lumière de ces caractéristiques, la catalogne semble remplir tous les critères afin de devenir un État à part entière outre le fait que sa déclaration d'indépendance n'a pas conduit à la reconnaissance internationale. Il est donc intéressant de se demander pourquoi la communauté internationale n'a pas cru bon de reconnaître l'indépendance de la Catalogne afin de trouver les éléments qui ont fait défaut dans la démarche, afin qu'elle puisse les rectifier pour pouvoir augmenter ses chances dans le futur. 

Dans les textes fondamentaux que nous pouvons citer sur étayer la cause des peuples tentant d’accéder à l’indépendant, nous pouvons penser à l’article 1, paragraphe 2 de la Charte des Nations Unies qui déclare qu’un des buts de l’organisation est de «développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes». 

Toutefois, le texte ne propose aucune procédure ou règle juridique obligatoire quant à cette déclaration. De plus, nous pouvons nous demander ce que signifie ce texte. La doctrine entourant l’esprit de l’article est plutôt unanime, il s’agissait pour l’organisation d’exprimer sa volonté de souscrire au principe du self-goverment, soit le droit des peuples de choisir leur gouvernement. «L’idée excluait de toute évidence l’affirmation d’un droit à la séparation pour un groupe national ou une minorité vivant à l’intérieur d’un État souverain». 
 
Si nous nous intéressons plus aux idées qui porte le concept d'autodétermination nous pouvons voir qu'il ressort : 
 
Pour l’essentiel, il comprend deux idées fondamentales: d’un point de vue historique, il témoigne tout d’abord du droit des peuples, une fois constitué en État souverain, de choisir et de développer en toute liberté son système politique, social, culturel, et économique à l’abri des ingérences extérieures; il témoigne ensuite du droit d’un peuple à exister comme État, c’est-à-dire de la vocation d’un peuple à devenir un État souverain. 
 
Sur ce point, il semble que les cas de discrimination systématique d'un peuple ou les peuples issus de la colonisation semblent avoir la tâche facilitée dans leur démarche d'indépendance. En fait, la Déclaration 1514 sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux que l’ONU s’engage sur cette voie en reconnaissant pour la première fois que «la sujétion des peuples à une subjugation, une domination et `une exploitation étrangères constitue un déni des droits fondamentaux de l’Homme [qui] est contraire à la Charte des Nations Unies et compromet la cause de la paix et de la coopération mondiales». 

Cette déclaration demande également «qu’on permette sans délai à tous les peuples colonisés d’exercer librement et pacifiquement leur droit à l’indépendance complète, dans le respect du principe de l’uti prossidetis». Cette même déclaration fonde finalement un principe général d’application universelle en proclamant que «tous les peuples ont le droit de libre disposition et qu’en vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et poursuivent librement leur développement économique, social et culturel». 
 
En fait, il semble que les contextes d'oppression systématique ou de décolonisation soient rendus la seule raison légitime aux yeux de la communauté internationale de reconnaître les déclarations unilatérales d'indépendance : 

L’analyse des textes nous enseigne qu’en dehors de l’hypothèse de la décolonisation ou de situation apparentée qui implique une discrimination systématique contre une minorité il est difficile d’y voir la reconnaissance d’un droit à la séparation ou à la sécession d’une partie de la population d’un État. Cependant, aucune disposition ne vient formellement interdire à une collectivité qui se définit comme un peuple de revendiquer et de réaliser son indépendance par des moyens pacifiques ou non pacifiques. 
 
Il existe aussi un autre cas, plutôt rare, qui semble donner facilement accès à la reconnaissance internationale à la suite d'une déclaration unilatérale d'indépendance, l'éclatement d'un État :
 
Aujourd’hui, l’extension du territoire d’un État ne peut se faire que sur la base du libre consentement des États intéressés et l’apparition d’une nouvelle souveraineté dans l’ordre international ne peut ce faire qu’à travers un processus de désintégration d’un État [comme ce fut le cas pour l’ex-U.R.S.S., l’ex-Yougoslavie et l’ex-Tchécoslovaquie], de fusion d’États existants ou de diminution de territoire d’un État existant par l’application du droit des peuples à l’autodétermination. 
 
Toutefois, même si ce processus a été plutôt efficace pour les ex-républiques soviétiques, il existe aussi d'autres cas où l'éclatement d'un État ne s'est pas conclu par une reconnaissance internationale rapide. À titre d'exemple, nous pouvons penser aux conflits gelés de l'ex-URSS : Transnistrie, Abkhazie, Ossétie du Sud et Haut-Karabakh. Ces États de facto ont toutes les caractéristiques des États et se sont formés à la suite de l'effondrement de l'URSS, mais la reconnaissance internationale n'a pas suivi. Sauf dans le cas de l'Abkhazie et de l'Ossétie qui jouissent d'une reconnaissance de quelques États, dont la Russie.
 
En fait, la Catalogne ne peut pas prétendre au droit à l'autodétermination en invoquant le droit des peuples systématiquement opprimés du fait que celle-ci peut participer à la vie démocratique de l'Espagne. En effet, en plus d'élire des députés qui siègeront au parlement espagnol, la région jouit d'une large autonomie au sein du pays pour défendre sa langue et ses institutions régionales. Même si les désirs d'émancipation catalane sont plus grands, cette autonomie et cette participation à la vie démocratique espagnole sont suffisantes pour que la région ne soit pas considérée pour être discriminée. 
 
Un élément qui a joué en défaveur de la Catalogne est le fait que l'indépendance n'a pas été faite à la suite d'un processus de négociation, qui même infructueux, aurait permis d'étayer l'argumentaire de la région même si le droit international ne régule pas expressément les déclarations unilatérales. Par exemple,«[l]a décision rendue par la Cour suprême du Canada en 1998 qui constate que le droit international n’accorde pas expressément aux parties constituantes d’un État souverain le droit de faire sécession unilatéralement de l’État parent». 

Un autre point serait peut-être que la déclaration d'indépendance fut faite par un seul parti politique et non pas par un vaste coalition. Cela peut faire penser que la communauté internationale avait des réticences quant au gouvernement catalan : 
 
L'acte de reconnaissance d'un nouvel État comprend nécessairement reconnaissance de son gouvernement puisque, par définition, il n'y a pas d'État sans gouvernement. De même, l'acte de reconnaissance d'un nouveau gouvernement implique nécessairement la reconnaissance de l'État qu'il représente puisque, comme nous l'avons déjà souligné il n'y a pas de gouvernement sans un État.
 
Quoi qu'il en soit, une piste de solution pour la région sécessionniste pour augmenter ses chances de se faire reconnaître un jour par la communauté internationale serait de continuer d'avancer dans son processus d'autonomie afin de consolider son appareil d'État afin de donner du coffre à sa position. De plus, rien dans le droit international n'empêche cette démarche: 
 
[m]ême avant d'être reconnu, l'État a le droit de défendre son intégrité et son indépendance, d'assurer sa conservation et sa prospérité, et, par suite, de s'organiser le mieux qu'il l'entend, de légiférer sur ses intérêts, d'administrer ses services et de déterminer la juridiction et la compétence de ses tribunaux. L'exercice de ces droits n'a pas d'autre limite que l'exercice des droits des autres États conformément au droit international.

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